Par Valérie Seers, [email protected]
J’aime les humains.
À titre d’agente de développement, l’essentiel de mon travail est d’organiser des rencontres et des événements. Mettre en commun des gens, créer des liens, favoriser des collaborations. Dans le contexte actuel, je n’ai d’autres choix que de me tourner vers les possibilités du numérique et réfléchir autrement. Début de la démarche.
Le 1er avril dernier, j’ai participé à une rencontre (virtuelle évidemment !) organisée par le Hub 0/1 numérique de l’Estrie. Étaient réunis pour l’occasion des travailleurs culturels responsables d’organismes culturels en arts visuels et en arts de la scène. La rencontre, animée par Éric Desmarais, directeur général et artistique du Sporobole et président du CQAM, s’articulait autour de la question suivante : Toutes les formes artistiques sont-elles dématérialisables ?
Le confinement actuel engendre plusieurs initiatives virtuelles, notamment des expositions en ligne et des spectacles de salon. On nomme quelques exemples, des bons coups, des moins bons. Suite à une des conclusions de notre démarche de 2019 Exploration sur les possibilités interactives numériques des lieux d’expositions vers le milieu scolaire, un constat semble prendre forme dans le groupe d’intervenants : on doit créer de nouvelles expériences et ne pas essayer de les remplacer.
J’aime ces humains. Je suis d’accord.
On discute de l’irremplaçable ; se sentir soulevé par l’enthousiasme d’une foule, applaudir, rire à l’unissons, ressentir en même temps que d’autres que le temps s’arrête lors d’un silence au théâtre alors que le regard du comédien nous transporte au loin… des moments uniques partagés avec d’autres.
J’aime les rassemblements d’humains.
Alors qu’est–ce qui fait la différence entre une captation en direct et une rediffusion de spectacle ? La réponse est simple : la présence du spectateur. Même derrière un écran. Le minimum d’interaction encore possible entre l’artiste et son public. Des »J’aime » en forme de pouces, des »J’adore » en forme de cœurs et des commentaires écrits, c’est tout ce qu’il nous reste d’interaction. On cherche le lien, le contact, l’expérience de groupe. Autre constat : en 2020, le public s’attend à pouvoir commenter et interagir avec les artistes.
Je ne suis pas la seule à aimer les humains.
On discute de l’évolution de l’art à travers l’histoire. Aux passages de médium. Nous l’avons fait par le passé. Il sera important de réfléchir à comment nous allons faire ces transitions vers le numérique, le virtuel. Chaque changement crée sa vague de choc. Le passage de l’orchestre à l’enregistrement sur bande, puis au vinyle. Quel étonnement pour plusieurs ! Un orchestre dans son salon ! Les livres audio en demande croissante aujourd’hui ne sont-ils pas simplement liés au plaisir de l’enfance de se faire raconter une histoire ?
J’aime beaucoup les petits humains.
On réfléchit à propos des jeunes générations. Sur leur rapport au monde virtuel. Certains vivent plusieurs dimensions de leur vie et une bonne partie de leurs relations d’amitiés à travers un écran. Parfois avec des gens à l’autre bout de la planète. Évidemment, on nuance nos propos, ils ne sont pas tous comme cela. Mais on se questionne quand même, est-ce qu’il deviendra nécessaire pour nos diffuseurs d’intégrer dans leurs programmations des propositions numériques qui sauront plaire à ces jeunes connectés ? Ce sera peut-être la seule façon de les convaincre un jour de venir dans nos salles de spectacle pour vivre un grand frisson collectif.
J’aime les jeunes et les plus vieux humains.
On nomme différentes initiatives. Des projets de galeries virtuelles sont avancés. On discute d’algorithmes. On se rappelle que l’intelligence artificielle a le défaut de nous proposer des choses qu’on aime. Alors que le propre de l’art et une partie du travail du galeriste est de nous initier à de nouveaux créateurs. La découverte. L’émerveillement. L’étonnement. Devant le beau. L’horreur et le laid qui savent nous émouvoir.
J’aime les émotions des humains.
On discute de la présence des gros joueurs, les GAFA et les autres. Des enjeux éthiques sont soulevés sur leur transparence concernant l’utilisation de nos données. On nomme Jitsi, »une application libre multiplateforme de messagerie instantanée, voix sur IP et visioconférence. Le logiciel est intégré à la liste des logiciels libres préconisés par l’État français dans le cadre de la modernisation globale de ses systèmes d’informations. » On cite une nouvelle expression emballante de Frédéric Julien, directeur recherche et développement à la CAPACOA : la souveraineté numérique. C’est ici, maintenant, au Québec. Des communautés s’organisent pour que nous puissions avoir accès à nos données et ainsi déjouer les géants.
J’aime les humains qui collaborent et qui donnent de l’espoir.
Ça va bien aller.